Denise Bombardier ne le sait pas, mais elle nous a donné un sacré coup de pouce pour faire parler de l’édition que vous tenez entre vos mains. Alors que nous avions terminé la rédaction du dossier Francos et fiers de l’être !, la journaliste-auteure a déclaré à Tout le monde en parle, le 21 octobre dernier : « À travers le Canada, toutes les communautés francophones ont à peu près disparu. Il en reste encore un peu en Ontario. Au Manitoba, j’y suis allée encore au mois de janvier chez les Métis, là. On ne parle plus le français. »

Parce que hors du Québec point de salut ? Détrompez-vous, Mme Bombardier ! Il existe partout au Canada des communautés francophones dynamiques et extrêmement fières de vivre en français.

Évidemment, la déclaration a suscité une levée de boucliers un peu partout au Canada français. Perçus comme méprisants, les propos de la journaliste-auteure ont attiré les foudres de plusieurs groupes et associations francophones. Et avec raison.

Plutôt que de minimiser la présence francophone, pourquoi ne pas s’informer sur sa réalité ? Plutôt que de balayer du revers de la main un segment important de la population qui se fait gardien de la langue française d’un bout à l’autre du pays, pourquoi ne pas saluer ces gens pour leur détermination et créer des ponts avec eux ?

Plus d’un million de Franco-canadiens

Juste pour vous dire qu’en Ontario seulement, on dénombre un peu plus de 570 000 Francos. Dans les provinces maritimes on en trouve plus de 280 000. Au Manitoba, 40 000 personnes ont le français comme langue maternelle, tout comme des milliers d’autres dans les Prairies, l’Ouest et le Nord canadiens. Soit au total 1 075 000 excluant les 6 380 000 francophones Québécois, selon le recensement de 2016.

Parmi ce million et quelque de francophones, il y a les combattants qui s’assurent de préserver et protéger leur langue, leur culture et leur héritage. Il y a une foule d’artistes provenant du reste du Canada et du sud de la frontière qui sont les porteurs de cet héritage francophone. Parmi les plus ardents défenseurs, Zachary Richard garde le français cajun en vie et le fait rayonner bien au-delà de sa Louisiane natale. Vous pourrez lire tout l’amour qu’il a pour sa langue et sa culture dans nos pages.

D’autres, connus et moins connus, nous entretiennent de leur volonté de continuer de vivre et de travailler en français. Et cela malgré leur situation minoritaire et l’opposition de certains élus et groupes qui refusent de reconnaître cette réalité dans leur province.

Depuis la fondation du Canada, et encore aujourd’hui, les francophones ont contribué à forger notre culture et notre identité. Pour n’en nommer que quelques-uns : Antonine Maillet, Daniel Lavoie, Chantal Hébert, Herménégilde Chiasson, Claude Julien, Roméo LeBlanc, Damien Robitaille, Véronic DiCaire, Katherine Levac, sans oublier Louis Riel et Gabrielle Roy.
Derrière eux ou à leurs côtés, de nombreux talents émergeants de la francophonie canadienne tiennent à perpétuer la langue par l’art, l’action politique, le sport, la littérature, etc.

Se souvenir

On l’oublie trop souvent, mais les francophones ne l’ont pas toujours eu facile. Et bien que les temps aient changé et qu’il y a une plus grande ouverture envers la langue française que dans le passé, les francophones hors Québec doivent encore se battre pour faire reconnaître leur langue, leur culture et leurs droits. Une chose que l’on tient peut-être pour acquise au Québec.
Je vous laisse avec cette anecdote :

« Speak white ! » Je n’avais pas compris sur le coup. J’étais adolescente. Je n’avais pas lu le poème du même titre de Michelle Lalonde en 1968 et ne savais pas à ce moment-là qu’Henri Bourassa avait reçu cette invective raciste de députés anglophones à la Chambre des communes en 1889. Quant au policier qui m’avait bêtement répondu « speak white » à ma demande de direction dans les rues d’Ottawa j’avais bien compris qu’il ne voulait pas que je m’adresse à lui en français. Cette réplique choquante est restée gravée dans ma mémoire depuis toutes ces années.

C’est en quelque sorte ce qui a attisé la flamme de mon amour de la langue et de la fierté de mon identité francophone. J’ai grandi dans un milieu franco-ontarien. Alors qu’une grande partie de mes camarades de classes ont tourné le dos au français, d’autres ont fait de la défense de leur francophonie une célébration et un combat quotidien. Puis, je suis revenue à mon Montréal natal quelques années après l’entrée en vigueur de la Loi 101. J’ai alors compris que rien n’est acquis. Demandez-le à nos voisins Lefebvre, Paquin, Tremblay, Kerouac de la Nouvelle-Angleterre, qui n’ont plus de français que le patronyme.