Dans mon dernier éditorial, je vous parlais de notre voyage en Grèce pour assister au Sommet de l’INSP, le réseau international des journaux de rue, qui a eu lieu du 14 au 16 juin. J’y étais avec un collègue et un de nos camelots, Guy Boyer, qui, d’ailleurs relate son expérience dans les pages de cette édition.

Mais quelle expérience ce fut ! J’en conserve un souvenir indélébile.

Se retrouver avec des gens venant de partout qui font le même travail que vous et qui partagent les mêmes préoccupations et intérêts est très stimulant et enrichissant. On parlait tous le même langage : celui de la justice sociale, de la volonté d’agir pour améliorer la vie des personnes les plus exclues et vulnérables de nos sociétés.

Parmi les nombreuses activités organisées, dont la visite du journal de rue Shedia, co-organisateur du INSP Global Summit à Athènes, et des conférences inspirantes comme celle de l’économiste de gauche et ex-ministre des finances grec Yanis Varoufakis, l’une reste particulièrement gravée dans ma mémoire. Celle de la visite du camp de réfugiés Eleonas.

Organisée à l’intention des journaux de rue qui ont l’habitude de travailler avec les sans-abri et les personnes marginalisés, l’INSP a voulu donner aux délégués une occasion de voir la réalité sur le terrain et de mieux comprendre la crise qui secoue la Grèce.

© Alison Gilchrist / Giannis zindrilis

Le camp d’Eleonas

Nous étions une trentaine à faire le trajet en autocar vers un secteur industriel délabré et poussiéreux de l’ouest d’Athènes. Là, sous un soleil de plomb, à 40u02daC s’étend une des quatre sections du camp, dénudée de tout arbre ou végétation.

Le vice-maire d’Athènes, responsable de la Migration et des réfugiés, Lefteris Papagiannakis nous a accueillis dans la partie du camp destinée aux plus vulnérables, soit les familles avec bébés et jeunes enfants et les femmes enceintes. Ils sont 780 personnes sur les plus de 2400 réfugiés du camp Eleonas qui ont fui la Syrie, l’Afghanistan, l’Irak, l’Iran et plusieurs pays d’Afrique.

Cordées côte-à-côte, des roulottes qui ressemblent davantage à des petits containeurs peuvent loger bien à l’étroit jusqu’à 10 personnes. Certaines ont l’air climatisé, d’autres non… Mais il y a quand même le Wi-Fi…

Ce qui frappe, c’est l’absence d’activité. Il n’y a pratiquement rien à faire. Il fait trop chaud pour faire du sport et la grande tente destinée aux rassemblements est vide. Ça sent l’ennui, l’angoisse et le désœuvrement.

© Alison Gilchrist / Giannis zindrilis

La folie des hommes

J’ai pu m’entretenir avec Abdul, un jeune père de famille afghan de 34 ans. Il avait fui les djihadistes qui lui en voulait parce qu’il avait servi de chauffeur de camion pour des ONG américaine et canadienne. Il a littéralement traversé son pays, l’Iran et la Turquie à pied avec sa femme et ses deux filles âgées de trois et quatre ans. J’avais devant moi la preuve vivante des effets de la folie des hommes.

Côté positif : à l’opposé de la plupart des camps de réfugiés, celui d’Eleonas permet aux gens de se déplacer à l’extérieur librement. Ils peuvent aller en ville pour faire des emplettes et tenter leur chance pour trouver du boulot. D’ailleurs, le transport en commun est gratuit pour eux.

L’approche grecque du traitement des réfugiés tranche nettement de celles des autres pays. « Ce que vous voyez ici est le meilleur des camps, a indiqué le vice-maire Lefteris Papagiannakis. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’y arrive rien de mal ici. Je ne tenterai pas de brosser un beau portrait », avoue-t-il.
« On fait ce que l’on peut en Grèce, mais on ne peut pas faire ça tous seuls. Nous sommes 28 pays à faire face à une situation très complexe. Et actuellement, nous sommes en train d’échouer. »

Pendant ce temps, les 45 camps de réfugiés en Grèce débordent. Les frontières sont fermées et les réfugiés sont en mode attente. Tenter de traverser vers la Turquie ou la Macédoine est carrément dangereux. Mais les Grecs, malgré la situation catastrophique de leurs finances trouvent le moyen d’accueillir, de donner et de partager avec les réfugiés.