Le confinement imposé par la pandémie a été difficilement vécue par bien des gens. Familles coincées pendant des semaines dans de petits appartements, personnes âgées séparées de leurs proches, enfants qui n’ont pas pu embrasser leurs parents mourants et leur ont fait leurs adieux via le web… Cette crise sanitaire, en plus d’avoir rendu malade et tué beaucoup trop de monde, aura été aussi sous le signe de l’isolement pour une grande proportion d’entre nous. Et a, malheureusement, fait resurgir de grandes inégalités.

Les personnes les plus vulnérables sont plus durement frappées par les conséquences de la pandémie. Le prix des aliments explosent à cause d’elle, ce qui a un impact beaucoup plus grand sur les ménages modestes. Les emplois mal rémunérés et aux conditions de travail difficiles ont été parmi ceux considérés comme « essentiels » — caissiers et caissières dans les pharmacie ou les épiceries, notamment. Lesquels emplois les mettent à risque par la proximité physique avec la clientèle.

Un révélateur

Une crise est souvent un révélateur, comme on dit en photo. Elle fait ressortir les zones d’ombres de nos sociétés, mais aussi de nos familles, qu’on ne remarquait pas auparavant. Cette crise l’a particulièrement montré. Nous avons été un grand nombre à avoir plus de temps, donc à lire davantage les publications de nos proches sur les médias sociaux et à les commenter, également. Un temps ralenti qui nous a permis de réfléchir.

Ou pas.

Les invectives ont fusé. On a vu poindre, hélas ! de nombreuses condamnations sans aucune forme de procès du comportement d’autrui. Tu ne portes pas le masque ou tu le portes ? Dans les deux cas, au goulag ! évacuée l’empathie pour comprendre la réalité de son prochain.

Car c’est de cela dont il s’agit. En cas de crise, on exacerbe nos positions, qu’elles soient politiques, morales ou sociales. On a peur, donc on se réfugie dans certaines certitudes primaires. C’est de la psychologie à deux sous, mais je crois qu’il y a là un réflexe bien humain.

En même temps, nous avons tous et toutes constaté de nombreuses manifestations de solidarité et d’empathie : tel voisin qui va porter des petits plats à sa voisine, la petite entreprise qui modifie sa production pour être au service de sa communauté, telle municipalité qui mobilise son monde pour prendre soin des siens.

Inégaux dans l’isolement

Tout cela est très beau et très vivifiant. Mais derrière tous les arc-en-ciel du « ça va bien aller » se cachent malheureusement des réalités beaucoup plus sombres.

J’ai, notamment, un ami qui a perdu son père, mort de la covid. Privilégié, il est relativement fortuné, et a pu payer tous les soins de fin de vie à ses parents, à domicile. Sa peine, bien sûr, n’en est pas amoindrie. En revanche, il a pu s’assurer que son père ne crève pas dans ses excréments, comme l’ont révélé des reportages importants.

J’écris cela avec beaucoup de peine et je m’excuse de vous lever le cœur à lire ces mots. Je ne peux pas croire que dans un des pays les plus riches du monde, ce genre de situations existent et qu’elles soient avalisées par nos institutions.

Du plus profond de moi, j’espère, même si je n’y crois pas, que cette crise aura permis de nous secouer les puces et que nous prenions, enfin, soin des êtres vulnérables dont nous avons la responsabilité.

Malheureusement, ça n’est pas le cas. Notre gouvernement, comme nous-mêmes, espérons revenir à la « normale » de cette situation passablement suicidaire.

Mais. Mais tout de même, dans nos solitudes imposées, j’ai l’impression que nous avons collectivement réussi à amorcer une réflexion sur notre capacité à réinventer un vivre ensemble. Souvent solitaires, dans l’espoir d’être solidaires.