Je ne comprends pas les élections.

Je comprends le concept ; les candidats parlent et le peuple chiale. La partie du peuple qui a voté chiale parce que celle qui n’a pas voté chiale, l’élu frenche sa soeur pis tout le monde s’en va se coucher.

Ce qui m’échappe, c’est les discours. Les promesses. Les statistiques, les enjeux, les débats. J’ai essayé de comprendre. J’ai écouté les débats des chefs, déguisée en « Madame Informée » (j’ai juste mis une robe de chambre pis je tenais une tasse de thé vide en enchaînant les « C’t’encore nos taxes qui vont payer pour ça ! »). Mais après deux minutes, je décroche parce que je sens que je ne fais pas réellement partie de la conversation. J’ai l’impression que pour les partis politiques, ma vie n’est pas un enjeu. C’est peut-être parce que je ne comprends pas. De toute façon, peu importe qui est élu, ma vie ne change pas. Même si on passe de Trudeau à Scheer, chaque matin, je vais me lever, manger mes p’tites toasts pis chialer après mon chum qui laisse traîner ses emballages de Ah ! Caramel partout dans’ maison. Je vais juste avoir ben hâte de voir notre nouveau Premier ministre être mal à l’aise aux parades de la Fierté gaie.

Ça serait bien que nos partis politiques proposent des engagements pour monsieur et madame Tout-Le-Monde. Des engagements simples et inclusifs qui reflètent une volonté de changement sur les aspects de notre quotidien.

Par exemple :
Encourager les Canadiens à observer leurs pieds
Des p’tites mousses, des odeurs, des bosses inquiétantes : tant de découvertes qui font en sorte qu’on n’a plus le temps de se chicaner pour rien !

Mettre sur pied un programme d’échange entre les réfugiés syriens et les membres de La Meute.
Échanger des innocents ingrats qui nous nuisent en sauvant des innocents reconnaissants qui contribueront à la société. C’est comme les programmes d’échanges étudiants, mais avec des
résultats.

Éliminer les journées pédagogiques, le congé des Fêtes et celui d’été. Ne jamais fermer les écoles. Jamais.
Excusez-moi. Cet engagement est ben personnel. L’été a été difficile et je suis fatiguée.

Établir l’équité salariale entre les sexes ET les types d’emploi.
Je n’ai jamais compris pourquoi un ministre de l’Éducation fait plus d’argent que la concierge qui retire les crottes de nez d’en dessous des pupitres. Depuis que l’école existe, y’a eu plus de failles dans la gestion du système scolaire que de crottes de nez restées collées.

Bannir les coins. Les murs, les commodes, les calorifères.
Le peuple est à boutte de s’cogner les p’tits orteils.

Remplacer la musique d’appel en attente par des humoristes.
Des humoristes qui font des jokes d’observation sur l’attente. Juste des jokes de même. En plus de créer des emplois pour les 25 personnes qui sortent de l’École nationale de l’humour chaque année, le peuple sentirait qu’il ne sacrerait pas dans le vide parce qu’il est tanné d’attendre.

Criminaliser l’utilisation de phrases et expressions gossantes.
Toute personne qui dit « Jouer aux fesses », « C’pu comme c’était », « C’est tiguidou », « Mets-en, c’est pas d’l’onguent » et/ou « Tu bois trop, Marie-Ève » sera passible d’une amende salée. Ainsi, les baby-boomers rempliraient les coffres de l’État qu’ils ont vidés.
*Note de l’auteure : après une révision de mon texte, j’ai décidé d’ajouter « Amende salée » à la liste des expressions passibles d’une amende.

Transformer la valeur de l’argent Canadian Tire en montant de dette à une oeuvre de charité.
Pour chaque dollar Canadian Tire contenu dans la pile de ces billets ramasse-poussières qui traîne pis que les hommes tiennent quand même à conserver depuis 1988, un dollar devra être remis à une oeuvre de charité. Je viens de sauver le monde, DE RIEN.

J’ai des idées de pur génie, mais je ne suis pas faite pour le monde de la politique. Ma place est parmi les spectateurs qui chialent. Quand viendront les élections, j’écouterai les candidats parler. Je vais chialer parce que ceux qui n’ont pas voté chialent. L’élu frenchera sa soeur, je vais ramasser un emballage de Ah ! Caramel pis je vais aller me coucher pour tout recommencer le lendemain. Ô Canada, chers amis. Ô Canada.