Pour cette édition spéciale à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, nous mettons l’accent sur ces personnes qui font l’histoire de demain. Henriette Kandula, Déborah Cherenfant et Édouard Staco travaillent chacun à leur façon à offrir de meilleures conditions d’ascension aux membres de leur communauté. Zoom sur ces leaders inspirants qui tissent la solidarité.

Provoquer les occasions

C’est dans les locaux du Chantier d’Afrique du Canada (CHAFRIC) que la directrice générale nous accueille autour d’un café. Il y a bien longtemps que Henriette Kandula a quitté son pays natal, le Congo, pour suivre ses parents diplomates en Argentine. Elle est venue seule faire ses études à l’Université Laval alors qu’elle n’était qu’une jeune fille, à la fin des années 70. Elle se passionne alors pour ses études en sociologie. À la sortie de l’université, elle travaille dans des manufactures parmi les femmes, dont plusieurs sont de nouvelles arrivantes. C’est là qu’elle comprend l’immigration, auprès de femmes résignées, qui y travaillaient depuis plus de 30 ans.

Avec l’œil d’une sociologue, elle remarque facilement leurs difficultés d’adaptation, l’exploitation, les abus. Souvent, la famille de ces femmes ou leur parrain ou marraine d’immigration (individu ou entreprise) essaient de les contrôler par des moyens inhumains. Une situation déplorée par Mme Kandula. Pour les aider, elle se joint au CHAFRIC, dont elle a rapidement obtenu la direction générale.

Les familles et les jeunes

Elle a commencé avec des programmes pour aider les jeunes et leurs familles à s’intégrer. Pendant que les jeunes se font des amis à l’école, les parents s’occupent de survivre, explique-t-elle. En gros, ce n’est pas toujours facile.

Au travail, ils doivent se débrouiller, et doivent en faire autant avec les programmes du gouverne – ment pour l’immigration. Aujourd’hui les organismes d’aide sont plus nombreux, il y a 20 ans, ils n’étaient qu’une poignée à travailler sur le décrochage scolaire, la pauvreté, le chômage.

Les adolescents de l’arrondissement du PlateauMont-Royal venaient pour l’aide aux devoirs et des difficultés d’apprentissage. Le sentiment de sécurité était très fort, d’où le grand attachement de ceux-ci à l’organisme. Lorsqu’il a déménagé à Verdun, certains jeunes du Plateau passaient à leur nouveau bureau, simplement pour maintenir le lien.

Entreprendre au féminin

« Le CHAFRIC travaillait beaucoup avec le CLSC (encore aujourd’hui) et l’Hirondelle, un centre d’aide d’accueil et d’intégration. Il y avait une belle collaboration sur la mise en place de solutions pour sortir les immigrants du travail précaire. Certains faisaient très bien leur travail pour accompagner la recherche d’emploi. Nous, on a décidé de miser sur l’entrepreneuriat », relate Mme Kandula.

Surtout que la jeune femme venait de compléter son diplôme en administration des affaires et de participer, dans la foulée, à la création du premier forum de l’entrepreneuriat pour les personnes noires. Montréal n’avait pas d’écosystème adapté aux nouveaux arrivants. Elle venait de signer un mémoire sur les possibilités pour les nouveaux arrivants de devenir des créateurs de PME plutôt que des employés et ainsi transférer pleinement leurs compétences dans leur nouveau pays.

Après les consultations durant ce Forum, Mme Kandula a rédigé un rapport qui a contribué à faire reconnaître l’entrepreneuriat pour les communautés immigrantes comme une priorité par le gouvernement du Québec. Elle a par la suite collaboré à la rédaction d’un plan d’action, avec un groupe de travail, dont les sous-ministres de l’économie et de l’immigration: « C’est à ce moment (vers 2006) qu’on a trouvé qu’il y avait une première volonté politique pour une meilleure intégration. »

Depuis, le CHAFRIC met en place des activités autant pour les jeunes et leurs familles que les entrepreneur.e.s issu.e.s de toutes les cultures et contribue à l’essor de jeunes, de parents et d’immigrants.