C’était le 31 mars 2019. Le jour où la Ligue canadienne de hockey féminin (LCHF) annonçait sa dissolution : « Si le Canada veut réellement faire croître le volet féminin de son sport national, il va un jour falloir se réveiller et offrir un réseau de développement digne de ce nom à nos 84 000 joueuses », écrivait Martin Leclerc, chroniqueur sportif pour Radio-Canada. Des mots qui devraient se concrétiser « dans les prochains mois », espère Danièle Sauvageau, « gardienne » du hockey féminin, qui travaille à « recréer un circuit professionnel ».

En entrevue avec L’Itinéraire, l’analyste sportive aux derniers Jeux Olympiques de Beijing, revient sur les origines de son combat pour la reconnaissance, l’excellence et l’épanouissement du pendant féminin du sport national.

Au moment d’écrire ces lignes, l’équipe canadien de hockey féminin venait de remporter la medaille d’or aux Jeux de Beijing sous le regard de Danièle Sauvageau. Cette passionée fait tout ce qu’elle peut pour que le hockey féminin prenne la place qui lui revient. Les difficiles conditions d’entrevue depuis son hôtel de Pékin en Chine — pays de la cybersécurité — en sont un bon exemple. L’analyste sportive aux JO de Beijing aura passé près d’une heure à chercher une connexion internet acceptable. Faute de mieux, et malgré un horaire chargé, elle s’isolera dans un couloir de sous-sol — certainement interdit au public — pour nous ouvrir une fenêtre médiatique supplémentaire sur le hockey féminin en manque de visibilité.

L’onde de choc

Oui, l’annonce de la mort de la LCHF le 31 mars 2019 a été une véritable déferlante nationale pour le milieu du hockey féminin, déjà instable. Certaines ont partagé leur indignation à travers des lettres ouvertes, comme Vitalia Chukhovich, amateure de sport et réalisatrice-pigiste pour Radio-Canada, qui a pointé du doigt l’iniquité chronique entre hockey masculin et féminin et les préjugés envers le calibre sportif des hockeyeuses. D’autres se sont immédiatement attablés, comme Marie-Philip Poulin, considérée aujourd’hui comme la meilleure joueuse de hockey au monde, ou encore Karell Émard, attaquante des Canadiennes de Montréal à l’époque, pour trouver un plan de sauvetage aux 84 000 orphelines du hockey.

Pour Danièle Sauvageau, qui faisait aussi partie de la concertation, l’annonce est un choc : « Je ne peux pas croire qu’en septembre prochain, il n’y aura pas un endroit où les joueuses qui nous représentent sur la scène internationale et aussi aux Olympiques pourront jouer », a-t-elle déclaré à Radio-Canada. Mais au-delà de l’émotion, le combat ne faisait, en fait, que continuer: « Aujourd’hui, ça fait exactement 40 ans que j’ai demandé pour la première fois comment je pouvais aider [le milieu du hockey] ».

Danièle Sauvageau se raconte…

La fierté d’être encore là !

« Pour moi, ça a commencé par un “non”. J’ai grandi à Deux-Montagnes. À cette époque, il n’y avait pas d’aréna là-bas. Alors, ça jouait sur les patinoires extérieures et lorsque mes frères ont eu l’âge de jouer au hockey dit organisé, je me suis présentée moi aussi à l’aréna de Saint-Eustache. J’avais 13 ans. Mais je me suis fait dire : “ Eux peuvent, mais pas toi ”. Alors j’ai demandé humblement comment je pouvais aider. On m’a fait comprendre que je pouvais apporter des rondelles dans les coins, être derrière le banc à donner des bouteilles d’eau… » Ironie du sort, l’aréna de sa ville natale porte aujourd’hui son nom.

Si ce début de parcours était loin d’être satisfaisant, il lui permettra tout de même « de rester toujours proche du hockey ». Véritable mordue, Danièle Sauvageau aimait particulièrement la complexité de ce sport. À tel point qu’à défaut de le pratiquer, elle lisait « tout ce qu’[elle pouvait] » pour le connaître et le comprendre. Plus tard, elle passera ses certifications pour occuper des postes clés, toujours derrière les bandes. « On me disait : “ pourquoi tu fais ça ? Tu ne pourras pas coacher detoutefaçon!” »

Mais avancer coûte que coûte vient avec son lot de doutes. « C’est pas toujours facile parce qu’à force de se faire dire non, on se demande pourquoi on reste. Je me suis posée cette question toute ma vie ». L’histoire lui démontre finalement que lorsqu’on est passionnée, on avance. « Et ce dont je suis le plus fière, c’est d’être encore là ! », dit celle dont les réalisations professionnelles en hockey sont trop nombreuses pour être énumérées.