À 68 ans, Zachary Richard a passé les cinq dernières décennies à envoûter son public avec des textes puissants aux sonorités cadiennes. Musicien et poète, l’artiste originaire de la Louisiane, où il vit toujours, est considéré comme l’un des ambassadeurs les plus engagés de la francophonie nord-américaine. À travers son histoire, il aborde son rapport à la langue française.

Peut-on considérer que vous êtes né francophone ?

En fait, c’est un peu plus compliqué qu’il n’y paraît. Je suis né en 1950, une date clef pour les francophones de la Louisiane puisque c’est cette année-là qu’ils sont devenus une minorité. Jusqu’alors, ils étaient majoritaires dans cet État.

Mes grands-parents, avec qui j’avais une relation extrêmement importante, étaient de la dernière génération unilingue francophone. Ils ne parlaient pas l’anglais.

De leur côté, mes parents étaient assimilés, donc bilingues. En revanche, ils ne me parlaient pas souvent français à la maison, sauf quand nous étions en présence d’une personne plus âgée qui ne comprenait pas l’anglais. Dans ce cas-là, par respect, nous passions naturellement au français.

Enfin, à l’école, il fallait parler en anglais. À mon époque, il n’y avait pas de programmes scolaires d’immersion française. J’ai quand même étudié le français au cours de mes études et forcément, j’avais un avantage sur mes camarades puisque j’étais parfaitement francophone. Ainsi, la langue française avait des limites de territoire, mais elle était quand même présente d’une façon quotidienne.

Le français n’est pas une vieille chose démodée.

Quand vous avez commencé votre carrière musicale, la nécessité de chanter en français s’est-elle imposée dès le départ ?

Non, ça ne s’est pas fait immédiatement. Pour comprendre ce qu’il s’est passé, il faut se plonger dans le contexte de l’époque. J’ai grandi dans un milieu américanisé, l’américanisation de la Louisiane s’étant faite notamment à travers l’industrie pétrolière qui attirait de nombreux anglophones des États voisins comme le Texas.

La culture francophone résistait, entre autres, grâce à la musique française cajun, mais moi j’étais trop jeune pour être immergé dedans. En revanche, dès huit ans j’étais chanteur dans la chorale de l’église. Nous chantions en latin, à un très bon niveau.

Mon premier choc musical s’est passé à l’adolescence, quand j’ai découvert le blues à la télévision. Ça a été une révélation. À la surprise générale de ma famille, qui n’est pas une famille de musiciens, j’ai décidé de faire de la musique.