Dans l’ombre de sa casquette, son regard bleu limpide s’illumine quand elle raconte son enfance. « Mon père était col bleu, ma mère restait à la maison avec sa mère malade. J’ai eu une très belle enfance. » La famille vivait à Montréal, dans le quartier Rosemont.

Mais là où ça devenait vraiment festif, c’était pendant les vacances. « On montait au chalet à Rawdon pour passer tout l’été en campagne. On faisait des partys tous les samedis, on dansait. On allait dans la forêt pour les fraises, les framboises. On faisait du vélo, du quatre roues, de la chaloupe, du pédalo. On était bien. »

Adolescente, elle vend avec sa soeur (Cécile est la deuxième de la famille, née entre sa soeur et son frère) des chips et de la liqueur dans une roulotte de la ville, pendant deux ans. Au début de sa vie d’adulte, elle devient examinatrice dans une manufacture de fourrure durant trois ans, avant de devenir vendeuse. Elle aime travailler avec le public. Le soir elle prend des cours de français, d’anglais et de mathématiques.

En 1994, la naissance de son fils l’amène à un tout autre genre de travail : mère à temps plein. Son mari tombe malade et meurt quand son fils a 5 ans. Elle se retrouve veuve et monoparentale. « Je l’ai élevé toute seule, jusqu’à ses 18 ans. J’me suis prise en main. J’ai trouvé un logement à 680 $ par mois. J’ai attendu neuf ans avant d’avoir un HLM. » Elle se démène pour que son fils ne manque de rien. « À l’adolescence, il avait ses sorties, ses amis. Tout le monde venait manger chez nous. Ma maison était pleine, rien qu’des jeunes ! »

Il y a environ 10 ans, elle a commencé à travailler à L’Itinéraire, référée par Emploi-Québec. Au début, elle était à la cuisine, puis elle est devenue camelot.

Elle a dû apprendre à gérer sa consommation. « J’consomme moins de bière. J’en prends une à l’occasion, mais pas des six packs comme avant. J’ai fait ça toute seule. J’ai changé mon groupe d’amis. J’ai plus personne alentour qui va prendre une bière devant moi. Ça fait trois ans. »

L’avenir lui sourit.

« Je vois l’avenir tout beau. C’est grâce à L’Itinéraire. Ça a tout changé. J’ai prouvé à ma famille que j’étais capable de faire quelque chose jusqu’au bout. Avant, ils me croyaient pas. J’en ai surpris plusieurs ! J’ai relevé le défi, pis j’aime ça. J’aime ce métier-là et l’équipe, on se respecte. Ça m’a ouvert bien des portes. Ça m’a aidée à comprendre les autres pis à les apprécier. Avant je jugeais. »

Cécile décrit sa vie actuelle avec le même élan que celui lorsqu’elle parle de son enfance. « J’suis épanouie, j’ai beaucoup travaillé là-dessus. C’est beau la vie. »

 

Toute la famille de L’Itinéraire a été consternée par le décès subit de notre belle et douce Cécile, survenu le 25 octobre 2022. Camelot de longue date, elle était fidèle à son point de vente devant l’épicerie Metro, à l’angle des rues Sainte-Catherine et Morgan. Elle était aimée de tous. Toutes nos condoléances à son père et sa mère qu’elle aimait tant et à tout le monde qui l’ont connue. Paix à son âme.