L’entreprise sociale Invisible Cities propose des tours guidés dans plusieurs grandes villes du Royaume-Uni. Mais ici, les guides accompagnateurs ne sont pas des professionnels de l’industrie touristique, ils proviennent plutôt de milieux précaires et marginalisés. Pour eux, devenir guide, c’est se réaffilier à la société, un pas à la fois, littéralement.
La scène n’a rien d’étonnant pour quiconque la regarde de loin : un petit groupe de touristes affables est regroupé autour d’un guide à la voix portante, pointant ici et là les repères historiques de la ville. Si la scène est assez commune en période touristique, celle-ci n’a rien d’ordinaire. En expliquant la grande histoire des édifices et des rues croisés sur son chemin, le guide raconte aussi, un peu, sa petite histoire : celle d’un passé semé d’embûches qui l’a mené à vivre dans ces mêmes rues. Faire un tour guidé avec un guide d’Invisible Cities, c’est apprendre à connaître la ville autrement et à l’observer à travers le vécu d’une personne ayant connu l’itinérance, la précarité et la marginalité.
Se faire raconter autrement
Chaque jour sur les coups de 15 h, Sonny attend une vingtaine de personnes aux abords du château d’Édimbourg en Écosse. Il commence toujours son tour au pub Maggie Dickson, dont le nom évoque une femme ayant survécu à une exécution publique au début du 17e siècle. Il entraîne ensuite son groupe au Grassmarket Community Project, un centre communautaire, puis butine de lieu en lieu, entre anecdotes historiques et récits personnels.
« J’étais dans la rue il y a quelques années. Je connais des coins d’Édimbourg que vous ne connaissez probablement pas, écrit-il dans sa présentation. Ma visite s’intéresse au crime et au châtiment, car j’ai moi-même connu la prison (pour des délits mineurs), et Édimbourg est rempli d’histoires de gangsters et de prisonniers. »
Sonny Murray a été le tout premier guide dans la première ville de l’entreprise sociale. Aujourd’hui, ils sont 17 guides répartis entre York, Cardiff, Manchester, Édimbourg, Liverpool et Glasgow. Parmi eux, il y a Andy, qui propose un tour sur la vie nocturne du Manchester des années 1980. En promenant son groupe d’un pub à l’autre, il ne vise pas à rendre ses clients ivres, Bien au contraire, il veut attirer l’attention sur les liens entre le sans-abrisme et l’alcoolisme. Pour lui, sa visite est une manière de transmettre le message que l’alcoolisme peut être une cause de l’itinérance autant qu’une conséquence de celle-ci.
À York, Gavin, père de famille ayant lutté contre des troubles de santé mentale et des épisodes de rue ponctuels, propose le York Family Friendly Fun Tour, une visite ludique destinée à toute la famille.
Vous venez de lire un article de l’édition du 1er mai 2025.